Etat du secteur de la formation en 2020 : notre enquête RH

 

L’année 2019 a été marquée par la mise en œuvre de la loi Avenir Professionnel, qui a amené plusieurs changements : monétisation du CPF, réforme en profondeur de l’apprentissage, certification pour garantir la qualité des organismes de formation… Plus que jamais, les entreprises doivent contribuer au développement des compétences de leurs salariés et au maintien de leur employabilité, sans pour autant voir augmenter leurs ressources dédiées à ce volet.

En décembre 2019, Topformation a mené une enquête auprès d’acheteurs de formation (RH, RF…) de 200 entreprises, de tous les secteurs (privé, fonction publique) et tailles confondues (PME, ETI et grands groupes). Cette étude avait pour but d’identifier les problématiques et les nouveaux enjeux auxquels les entreprises doivent faire face dans le contexte de la réforme de la formation professionnelle. Les résultats montrent l’émergence et le renforcement de certaines tendances. 

Quels aspects sont stables par rapport à 2018, et quels sont, au contraire, les nouveaux objectifs des entreprises en matière de formation continue ? Comment les OF peuvent-il se positionner comme des partenaires RH indispensables ?

 

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Modalités de formation : de nouvelles tendances ?

Place à la flexibilité, au gain de temps et au rapport qualité-prix. Les responsables RH mettent en avant les formations courtes, en intra ou en e-learning.

Les formations courtes ont le vent en poupe

Le manque de temps disponible des salariés à former reste l’obstacle n°1 pour 50 % des RH face à leur objectif de renforcement en compétences. Un salarié passe en moyenne 2 jours en formation chaque année, et il est difficile de faire plus dans la majorité des entreprises. Comme l’explique cette personne interrogée du secteur des services à la personne : « il est difficile de planifier les formations dans la mesure où elles provoquent une absence. Si cette absence tombe au même moment que le congé maladie d’un autre agent, nous sommes obligés d’annuler la formation afin d’avoir le personnel nécessaire auprès de nos résidents. »

Face à ce constat, les OF ont tout intérêt à proposer des sessions de formation assez courtes, de 0,5 à 2 jours, ainsi que de la FOAD (formation à distance). De plus, des formations courtes mais régulières (chaque année), présentent l’avantage de mettre le salarié en situation d’apprentissage continu, et ainsi de faire évoluer la culture d’apprentissage. En effet, dans certains secteurs, les RH peuvent se heurter à un désintérêt des salariés, voire des dirigeants, pour la formation et le développement de nouvelles compétences. 

La formation intra plébiscitée

Gain de temps, salariés plus aisément mobilisables : la formation intra-entreprise reste la modalité privilégiée pour 62 % des personnes interrogées, alors que le e-learning prend la 2e position (41 %, contrairement à… 2 % dans l’enquête précédente), juste devant la formation inter (40 %).

L’intra permet également  de réaliser des économies d’échelle pour l’entreprise, atout non négligeable alors que les budgets formation n’augmentent pas et que la moitié des entreprises disposent pour ce poste de moins de 600 € par salarié et par an. 

Pour garder un bon ratio entre la durée, le coût et l’efficacité d’une formation, le blended learning pourrait être une solution gagnant-gagnant à mettre en avant auprès des entreprises.

La montée en puissance du e-learning et de l’Action de formation en situation de travail (AFEST)

Développer la FOAD et l’AFEST est la priorité de près d’un RH/RF sur trois en 2020.

Le e-learning répond à la double problématique des entreprises de toutes tailles : la contrainte temps et la contrainte budgétaire. En effet, son coût est bien moindre qu’un module en présentiel et elle est beaucoup plus rapide à suivre (pas de déplacement du salarié, morcellement possible…). Cette modalité s’adapte également aux organisations éclatées géographiquement et qui souhaitent délivrer un contenu harmonisé à tous les collaborateurs. De plus, l’e-learning se décline aujourd’hui en de nombreuses modalités permettant davantage d’implication des participants et de personnalisation du contenu : classes virtuelles, MooC, SPOC, mobile learning, social learning

Étant donné que les entreprises plébiscitent également la formation interne, il pourrait être intéressant de développer des sessions de formation leur permettant de créer ou personnaliser eux-mêmes des modules de formation digitale.

Par ailleurs, d’autres modalités d’apprentissage gagnent du terrain. Pour la formation des cadres, les ateliers et séminaires, ainsi que le coaching, séduisent 1/3 des RH, alors que pour les employés, l’AFEST (Action de formation en situation de travail) représente désormais 16 % des formations.

L’AFEST est clairement mise en avant par la loi Avenir, ce qui met fin à une longue tradition de défiance qui tendait à séparer le temps de formation du temps de travail. Il ne s’agit pas de former les salariés sur le tas, mais de mettre en place un dispositif formel reprenant une ou plusieurs situations de travail préparées et organisées à des fins didactiques. Cela est ensuite suivi par un debriefing animé par un tiers. Cette modalité reste encore cependant peu connue des entreprises. Des tutoriels et des formations de formateurs pourraient accompagner les RH et les dirigeants à réfléchir sur des situations de travail pouvant bénéficier d’une AFEST.

La difficile mise en place de l’apprentissage

Avec la loi Avenir, les entreprises ont la possibilité d’ouvrir leur propre CFA (Centre de formation par l’apprentissage), seules ou regroupées, dont le coût de fonctionnement est assuré par l’OPCO. Une solution intéressante pour les secteurs qui peinent à recruter et à trouver des profils répondant précisément à leurs besoins. Si l’entreprise dispose déjà d’un centre de formation interne, l’ouverture d’un CFA peut se faire très facilement. En revanche, les autres devront impérativement construire un projet pédagogique.

Les entreprises sont-elles prêtes à se saisir de cette opportunité ? En avril 2019, une trentaine en avait déjà exprimé le souhait publiquement. Dans le cadre de l’enquête menée par Topformation, 17 % des entreprises interrogées étaient intéressées à sauter le pas, principalement dans l’objectif de renforcer leur marque employeur. Une sur 3 l’ouvrirait seule, et 1 sur 5 en partenariat avec d’autres entreprises. Par contre, parmi les 83 % qui n’envisagent pas d’ouvrir leur propre CFA, 35 % estiment ne pas avoir assez de compétences ni de temps pour cela.

Les entreprises ont besoin de plus d’information sur cette nouvelle possibilité concernant l’apprentissage, ainsi que sur les formations de formateurs. Certains OF proposent déjà des modules tels que « Exercer le rôle de tuteur d’apprentissage », afin de démystifier le processus. De plus, le Ministère a développé un kit expliquant l’ouverture d’un CFA, qui nécessite toutefois un accompagnement supplémentaire des entreprises pour sa mise en œuvre. 

 

Derrière l’indétrônable gestion de projet, le bien-être au travail continue de séduire

Le principal objectif des actions de formation menées par les entreprises reste le développement de compétences dans les domaines spécifiques des salariés (87 %), complété par l’adéquation aux nouveautés liées au secteur d’activité (57 %) et l’adéquation aux formations obligatoires (51 %) propres à plusieurs branches. Ceci explique pourquoi les sessions en santé, sécurité et gestion de projet tiennent toujours le haut du pavé.

Cependant, on note une progression constante d’objectifs liés à la satisfaction au travail, que ce soit pour augmenter la productivité (27 %) ou réduire le turn-over (11 %). Cette évolution se traduit par une demande soutenue pour le développement des soft skills et de la QVT.

Trio de tête : Gestion de projet, Santé/Sécurité, RH

Les thématiques de formation recherchées les plus fréquemment par les entreprises sont le management de projet (40 %), la santé/sécurité (33 %) et les ressources humaines (29 %), suivies du leadership et des langues étrangères. Au-delà des formations obligatoires en santé/sécurité, on est donc loin d’un trio composé de hard skills, et les compétences transverses sont de plus en plus sollicitées.

Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises fonctionnent en mode projet, ce qui explique l’importance du besoin de formation en gestion de projet. Cette thématique, très vaste, concerne souvent une grande partie des salariés, ce qui permet de réaliser des formations en intra et de réaliser des économies d’échelle. D’où l’importance pour les OF de se distinguer les uns des autres sur ce thème : comment aborder les fondamentaux de manière originale ? Proposer des formations sur des outils de gestion collaboratifs et inclusifs ? Ou encore proposer des approches innovantes comme le design thinking ?

Gestion des priorités et communication, des softs skills très demandés

Dans un monde du travail de plus en plus flexible, où les millenials et les boomers doivent collaborer, où le travail est digitalisé, et où la frontière entre vie professionnelle et vie privée devient plus poreuse, il n’est pas surprenant que la gestion des priorités et le coaching en communication trouvent une place de choix. Pour 2/3 des responsables RH, les employés disposent déjà de certains soft skills, qui ont cependant besoin d’être renforcés. En particulier, le travail en équipe, la gestion des émotions et du stress et la gestion du temps sont des thématiques phares.

D’ailleurs, les recruteurs placent désormais les soft skills en tête des fiches de poste, et les considèrent comme des conditions sine qua non pour représenter les valeurs de l’entreprise et participer à sa réputation. Les soft skills s’inscrivent donc comme un véritable besoin des employeurs, et non comme une simple mode.

Mesurer l’efficacité et le ROI d’une formation reste un défi

Pour plus de 30 % des entreprises interrogées, la difficile évaluation du ROI d’une formation constitue une difficulté majeure, presque autant que la question budgétaire.

 

Des progrès à faire dans l’évaluation des besoins

Pour évaluer l’efficacité d’une formation, et donc son ratio coût/avantages, l’étape indispensable est de définir ses objectifs en amont. Le problème est que cette étape est souvent insuffisamment mise en œuvre dans nombre d’entreprises. Cela n’est pas étonnant lorsqu’on constate qu’un tiers des entreprises ne dispose pas d’une personne référente pour le renforcement des compétences.

De plus, la personne qui définit les besoins en formation n’est pas toujours la même qui évalue son efficacité. Cette dernière est évaluée, dans 2/3 des cas, par le retour d’expérience de l’employé ou de son supérieur hiérarchique. Comme l’explique un responsable RH, « il est difficile d’obtenir un cahier des charges précis de la part du manager concernant le besoin en formation de son collaborateur ».

C’est pourquoi un module de formation présentant une liste de compétences mesurables avant et après la formation, en distinguant savoir, savoir-faire et/ou savoir-être, peut s’avérer une aide à la décision précieuse pour les RH.

 

Quelles solutions envisager pour garantir un ROI ?

Outre la définition des objectifs, la difficulté du calcul d’un ROI réside dans la mesure des gains générés par de nouvelles compétences. Pour certaines formations, notamment liées à la vente, cela reste assez simple. Certains OF proposent par exemple de moduler le coût de la formation en fonction d’un pourcentage d’augmentation des ventes faisant suite à la session. Mais quid des soft skills ? Ou comment comparer le ROI d’une formation en présentiel par rapport à une formation en ligne ?

De plus en plus d’acteurs se tournent vers le ROE (retour sur les attentes), qui est plus qualitatif que quantitatif. Mais là encore, un questionnaire avant/après ne peut remplacer un suivi des salariés par une personne dédiée, qu’elle soit interne ou externe à l’entreprise.

Par ailleurs, un ROI n’est souvent pas mesurable juste après la formation. Par exemple, l’amélioration de la satisfaction au travail peut entraîner une baisse du turn-over…qui se mesure sur plusieurs années. Les OF ont donc tout intérêt à multiplier les études de cas et les success stories témoignant de l’impact à moyen terme de leurs formations, ainsi qu’à proposer des solutions d’accompagnement aux RH/RF pour la mesure de cet impact dans le temps.

 

Le ROI comme critère de choix pour sélectionner un OF 

Le réseau et le networking représentent un critère de choix majeur d’un OF par une entreprise (30 %). Alternativement, celle-ci se tourne vers le site web de l’OF (17 %), ou vers le panel d’organismes déjà référencés en interne (39 %). En moyenne, 2 à 3 OF sont mis en concurrence pour une formation donnée, et plus d’un tiers des entreprises font appel à plus de 7 organismes dans l’année pour mettre en œuvre différentes formations.

Dans ce contexte très compétitif pour les OF, la communication sur le ROI s’avère être un positionnement judicieux, notamment par une mise en valeur sur leur site web. Un OF qui arrive à faire la différence sur la garantie de l’efficacité de ses formations, notamment via des retours clients et des témoignages vidéo présentés sur son site ainsi que sur tous les autres sites sur lesquels il apparaît, dispose d’un avantage considérable.

 

Mettre en place une politique CPF et responsabiliser le salarié

Pour plus de 50 % des acheteurs de formation interrogés, la priorité en 2020 est de bâtir une politique CPF, bien plus que de simplifier la gestion administrative de la formation (43 %).

Le principe de base du CPF est qu’il est à disposition du salarié pour se former en-dehors du plan de formation de l’entreprise. Cependant, force est de constater que, depuis sa mise en place en 2016, à peine plus de 50 % des salariés ont utilisé leurs droits CPF, alors que 76 % de leurs employeurs ont déjà communiqué avec eux pour les y encourager. 

Accompagner les entreprises dans la création d’une politique CPF

Ces dernières années, la formation, qui était traditionnellement aux mains des employeurs, est passée aux mains des employés. Cependant, les salariés n’ont pas forcément conscience de l’importance de faire évoluer et actualiser leurs compétences. Alors qu’il est du devoir d’une entreprise de maintenir l’employabilité de ses collaborateurs et d’assurer sa propre compétitivité dans un contexte de transformation digitale, d’innovation technologique et de concurrence mondialisée.

Les entreprises ont donc tout intérêt à inciter les salariés à utiliser leur CPF pour des formations leur permettant d’améliorer leurs compétences dans leur travail. Pour cela, plusieurs solutions sont possibles : l’abondement du compte pour des formations ciblées, autoriser la formation sur le temps de travail, mettre en place une plateforme digitale interne visant à renseigner sur le CPF et à inciter les salariés à s’en servir… Et pourquoi pas bâtir un accord d’entreprise, où les possibilités d’avancement prennent en compte les formations suivies par le salarié ?

Toutefois, les entreprises ne disposant pas de Responsable Formation dédié ont du mal à dégager des ressources pour bâtir un véritable plan de renforcement des compétences co-construit avec les salariés. « Désormais, les budgets formation sont en priorité utilisés pour les formations obligatoires, et il est trop chronophage pour notre entreprise d’inciter le salarié, non autonome, à passer certaines formation avec son CPF » explique un RH interrogé. Les RH/RF ont donc, plus que jamais, besoin d’accompagnement pour mettre en place de telles stratégies internes.

Accompagner les salariés, nouveaux «consommateurs » directs de formation 

Grâce à la monétisation du CPF, le salarié est en position de consommateur de formation, et n’a en principe pas besoin de demander l’autorisation de son employeur pour se former en dehors du temps de travail. C’est pourquoi des modalités comme le e-learning ou blended learning, accessibles sur smartphone et tablette pour l’apprenant, ont de beaux jours devant elles. Mais là encore, les salariés ont besoin d’accompagnement humain pour penser leur propre compétitivité sur le marché du travail, un service que les OF ont tout intérêt à mettre en avant dans leur offre.

 

Ce qu'il faut retenir pour 2020

La mise en place de la loi Avenir s’est traduite, en 2019, par la montée en puissance de l’AFEST et du e-learning, mais aussi par une plus grande préoccupation des entreprises à bâtir une politique CPF avec leurs salariés afin de ne pas passer à côté de cette ressource. Dans ce contexte, le ROI et l’efficacité deviennent un critère essentiel pour la sélection d’une formation.

Quant au développement de l’apprentissage, il reste encore marginal et les OF gagneraient à développer des outils pour clarifier ce dispositif et faciliter son accès aux entreprises de taille moyenne de secteurs très spécialisés. 

La tendance du gouvernement allant toujours vers davantage de formation continue et la responsabilisation des salariés dans leur plan de formation, les OF doivent compter sur le développement d’une double offre de services, aussi bien envers les entreprises que vers les particuliers.

La réforme amorcée en 2018 se poursuit jusqu’en 2021, avec un accent sur la qualité et la certification des acteurs de la formation. A partir de 2020, les OPCO entrent en fonction, avec une mission beaucoup plus transversale que les OPCA, puisqu’ils sont désormais en charge du suivi qualitatif des formations dans une branche donnée. Parviendront-ils à relever ce défi et inventer de nouveaux modes de gouvernance ?

 

 

Lisa Caillaud

Lisa Caillaud est responsable communication du site Topformation.