Des formations de meilleure qualité, et moins de fraude au financement, voici les mots d’ordre du dernier plan interministériel pour restaurer la confiance dans le secteur de la formation. Malgré les progrès réalisés depuis la création de Qualiopi en 2018, la régulation du secteur, notamment dans le domaine de l’alternance, reste encore fragile et sujette à de nombreux dysfonctionnements.
Depuis 2018, le secteur de la formation a connu une croissance intense, caractérisée à la fois par un enrichissement de l’offre et par l’émergence de dérives.
Le manque de transparence et d’informations fiables pour les utilisateurs, la qualité variable des prestations de formation, et des vides juridiques pouvant laisser place à des pratiques frauduleuses sont en particulier pointés du doigt.
Nous revenons sur les enjeux et les objectifs de ce plan, son calendrier d’implémentation et ses implications pour les organismes de formation.
Enjeux inédits, réponse à leur échelle
Le but de ce travail interministériel est d’améliorer la qualité des formations et de renforcer les contrôles. Ce plan s’articule autour de 4 axes :
- Renforcer la qualité des formations,
- Protéger les apprenants des pratiques frauduleuses,
- Clarifier le cadre légal et celui des contrôles,
- Lutter contre la fraude.
Chaque axe vise 3 objectifs principaux :
- Garantir des formations qualitatives, sûres et encadrées par une législation claire et partagée par tous les acteurs du secteur,
- Privilégier une utilisation efficace de l’argent public,
- Replacer les usagers au cœur des dispositifs de formation, et se rapprocher de la notion de « service publique », soit un service accessible et ouvert à tous.
On décèle donc une volonté de construire un système équitable, qui soutient la montée en compétence durable de ses acteurs, pour répondre aux enjeux mouvants du marché du travail. Cela signifie que, pour répondre aux défis actuels, le cadre législatif et les dispositifs existants doivent être profondément repensés.
4 axes prioritaires
Axe 1 – « Renforcer la qualité des formations »
La première priorité de ce plan est d’établir des standards de qualité communs à toutes les formations, qu’elles soient certifiantes ou diplômantes, initiales ou continues.
Dans cette logique, le respect de ces standards va de pair avec un accès concurrentiel aux financements publics et privés. Cette amélioration passe d’abord par une meilleure transparence au niveau des régulations, en particulier pour les CFA (Centre de Formation d’Apprentis).
4 dispositions viennent définir cet axe :
- L’obligation des habilitations officielles (entrée en vigueur au 2e semestre 2026) :
Pour les organismes qui dispensent des formations diplômantes (du CAP au BTS), il sera désormais nécessaire d’obtenir une habilitation officielle. Cela permettra aux rectorats de contrôler plus efficacement le contenu pédagogique et les moyens déployés. - Le respect des référentiels (2e semestre 2025) :
Cette disposition fait référence à la réforme du 6 juin 2025, qui modifie les attributions de contrôle et de sanction de France Travail et modifie les conditions d’enregistrement de titres au RNCP et au RS. Les organismes devront démontrer qu’ils couvrent l’intégralité du référentiel de compétences. Ils devront aussi communiquer de façon rigoureuse sur les taux de réussite, les conditions d’inscription aux examens et les débouchés réels. - La prévention des risques professionnels et de l’illettrisme dans les CFA (1e semestre 2026) :
Ils auront désormais pour mission d’intégrer des modules de prévention des risques, et fournir un accompagnement spécifique aux jeunes en situation d’illettrisme (5%) qui le nécessitent, pour augmenter leurs chances de réussite. - Le renforcement des contrôles pour les formations menant à des professions réglementées (2e semestre 2025) :
Des contrôles renforcés seront mis sur pied pour s’assurer :
-
- Que les débouchés annoncés correspondent aux débouchés réels,
- Que les apprenants soient traités équitablement et bénéficient de bonnes conditions de formation,
- De l’objet réel des formations, en particulier, pour les formations qui mènent à des activités réglementées (médecine, pharmacie, …).
Axe 2 – « Mieux informer et protéger les jeunes et les actifs »
Le secteur de la formation est riche, mais surtout complexe à comprendre et naviguer pour les utilisateurs. Le manque de transparence est souvent déploré, ce qui nuit en particulier aux jeunes, aux étudiants et aux apprentis, car ils ne disposent pas d’outils adéquats pour faire leurs choix d’orientation professionnelle.
Le plan d’amélioration prévoit de développer les systèmes qui permettent de signaler des dysfonctionnements ou des manquements lors d’actions de formation.
Pour ce faire, 3 dispositions ont été prises :
- La régulation des clauses de contrats d’apprentissage (1e semestre 2026) :
Elles vont être modernisées et mieux régulées. Les clauses relatives aux frais de réservation, bloquant les remboursements en cas de désistement, … seront désormais interdites, afin de ne pas nuire au libre choix de l’orientation professionnelle et pour que les apprenants puissent résilier leur contrat jusqu’à 30 jours avant le début de leur formation. - L’amélioration des données sur l’insertion professionnelle (2e semestre 2026) :
Pour mieux guider les jeunes utilisateurs dans leur choix de formation, les indicateurs d’InserJeunes et d’InserSup (indicateurs de l’insertion professionnelles des jeunes sur le marché du travail) seront modifiés pour prendre en compte toutes les formations reconnues par l’État. À partir de 2026, les organismes pourront uniquement communiquer à propos des données nationales officielles. - L’accès à un système d’alerte fonctionnel (2e semestre 2026) :
Un dispositif plus visible et centralisé permettra aux apprenants de signaler plus facilement les manquements ou dysfonctionnements.
Axe 3 – « Garantir la qualité des processus des organismes de formation »
L’accès aux fonds publics doit avoir pour contre-partie la qualité des formations dispensées. Cela passe à la fois par l’application de standards élevés et le contrôle de la conformité des organismes à ces standards. La certification Qualiopi incarnera désormais ces standards.
Les changements se matérialiseront grâce à 3 dispositions :
- L’enrichissement du référentiel Qualiopi (2e semestre 2025) :
Le plan d’amélioration prévoit d’enrichir le référentiel Qualiopi, et d’améliorer la transparence de communication avec les organismes.
Pour les CFA, cela implique 4 nouvelles exigences :
-
- Clarifier les missions, dans l’accompagnement pédagogique et dans l’alternance entre temps théoriques et temps pratiques,
- Permettre une évaluation de la qualité de l’organisation pédagogique et du dispositif de formation,
- Clarifier les pratiques déontologiques, et les débouchés,
- S’assurer que les apprenants maîtrisent les compétences relatives à la sécurité du métier, afin de prévenir des accidents du travail/ graves/ mortels.
- La qualité des audits harmonisée (2e semestre 2025) :
Les auditeurs Qualiopi devront désormais être certifiés pour exercer. Cela permettra que les audits se déroulent dans un cadre rigoureux et harmonisé (via la systématisation des contrôles sur place, et en imposant la présence du dirigeant lors de l’audit).
- L’extension de Qualiopi pour tous (1e semestre 2026) :
La certification Qualiopi deviendra une obligation légale pour :- Les organismes qui préparent à des certifications professionnelles (actuellement, seuls ceux qui reçoivent des financements autres que des frais de scolarité),
- Les organismes financés par les FAF (Fonds d’Assurance Formation des non-salariés).
Axe 4 – « Déployer une politique de tolérance zéro contre la fraude »
Enfin, le plan d’amélioration met l’accent sur la prévention et la lutte contre la fraude. Même si les résultats sont déjà probants dans ce domaine, le cadre légal doit encore être modernisé pour mieux correspondre aux typologies de fraude d’aujourd’hui et fluidifier la coordination des actions de prévention.
4 dispositions précisent cet axe :
- La suspension des organismes frauduleux (2e semestre 2025) :
Deux dispositions viennent compléter celles prises par la loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques à l’initiative de Thomas Cazenave, qui vise à empêcher l’accès ou le maintien de fraudeurs dans le secteur de la formation.
L’État pourra désormais refuser ou annuler l’octroi d’une déclaration d’activité :- En l’absence de locaux,
- En cas de suspicion de fraude,
- En cas de récidive de fraude.
- La digitalisation des services (2e semestre 2025) :
Le service « Mon Activité Formation » sera désormais digitalisé, et les recours administratifs obligatoires sont supprimés. - Le partage des informations (2e semestre 2026) :
Pour éviter les contrôles redondants et pour mieux cibler les structures à risque, un système d’informations partagé permettra aux rectorats, à France Compétences, à la DGCCRF et aux autres financeurs de coordonner leurs actions. - Le contrôle des pratiques commerciales (2e semestre 2025) :
Des pratiques de concurrence déloyale ont pu être observées chez différents acteurs : dans 21 % des cas, des anomalies de pratiques commerciales ont été détectées. Une étude nationale sera programmée pour enquêter sur ces pratiques. Elle concernera en particulier :
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- Les formations menant à des professions réglementées,
- Les allégations sur la reconnaissance du diplôme, et les termes créant des confusions avec des diplômes reconnus.
L'exigence devient la norme
Ce plan d’amélioration de la qualité et de lutte contre la fraude est plus qu’un levier pour garantir un socle de qualité pour l’offre professionnelle en France. Il permet de remettre l’apprenant au centre d’un système durable, éthique et équitable qui soutient sa montée en compétence.
Pour les utilisateurs, cette réforme signifie une meilleure lisibilité, et un système plus transparent, mais pour les organismes de formation le message est clair : l’exigence devient la norme.
Cette dernière est porteuse de plusieurs changements :
- L’élargissement de Qualiopi à tous, et l’enrichissement de son référentiel,
- Une fréquence plus élevée des contrôles, qui deviennent harmonisés et plus rigoureux,
- Le durcissement des critères pour la reconnaissance des habilitations à former.
Ce décret exigera donc un travail conséquent de la part des organismes de formation, et des CFA afin de rester à jour, et pour se conformer aux nouvelles exigences de l’État.